Transferts intergénérationnels d’entreprises familiales – Modifications fiscales proposées
BMO Gestion privée - 10 juillet 2023
La législation fiscale canadienne contient un certain nombre de mesures fiscales anti-évitement, comme celles qui visent à prévenir le « dépouillement des surplus » des sociétés, qui peuvent entraîner un coût fiscal plus élevé lors du transfert d’une
La législation fiscale canadienne contient un certain nombre de mesures anti-évitement, notamment celles qui visent à empêcher le « dépouillement de surplus » d’une société, qui peuvent entraîner des coûts fiscaux plus élevés lors du transfert d’une entreprise à un membre de la famille par rapport à une vente à tiers. Le présent article met l’accent sur d’importants développements récents concernant le manque de cohérence dans la législation fiscale en ce qui a trait à une règle anti-évitement applicable à certains transferts intergénérationnels d’actions. Il est également question des dernières mesures prises par le gouvernement pour faciliter de véritables transferts intergénérationnels d’actions, tout en prévenant l’évitement fiscal qui pourrait compromettre l’intégrité du système fiscal canadien.
En règle générale, lorsqu’un propriétaire d’entreprise vend des actions de son entreprise constituée en société, la transaction donne lieu à un gain en capital, qui peut être admissible à l’exonération cumulative des gains en capital. Pour 2023, la limite de à l’exonération cumulative des gains en capital est de 971 190 $ pour les actions admissibles de petites entreprises (ou de 1 000 000 $ pour les actions d’une société agricole ou de pêche familiale admissible)1. Toutefois, les actions sont souvent vendues à une société acheteuse afin d’accéder aux liquidités de l’entreprise vendue pour financer le prix d’achat. Cela est particulièrement courant dans le cas d’un transfert intergénérationnel, car les membres de la famille de la jeune génération n’ont habituellement pas suffisamment de liquidités personnelles (ou d’accès au crédit) pour pouvoir acheter des actions directement des parents. Bien que cela soit permis lorsque l’acheteur est un tiers non apparenté, si l’acheteur est une société contrôlée par une personne avec lien de dépendance, comme un membre de la famille, ces règles anti-évitement de « dépouillement de surplus » s’appliqueraient habituellement pour convertir le gain en capital en un dividende imposable (assujetti à un taux d’imposition plus élevé qu’un gain en capital et non admissible à l’exonération cumulative des gains en capital).
En fait, la législation fiscale a longtemps favorisé les ventes de petites entreprises et de sociétés agricoles ou de pêche à des tiers sans lien de dépendance, au détriment des membres de la famille de la génération suivante.
Dans son budget fédéral de 2019, le gouvernement libéral avait reconnu de ce problème et indiqué qu’il communiquerait avec les propriétaires de sociétés agricoles et de pêche et les autres propriétaires d’entreprises afin « d’élaborer de nouvelles propositions qui permettraient un meilleur transfert intergénérationnel d’entreprises tout en protégeant l’intégrité et l’équité dans le système fiscal ». Toutefois, avant que le gouvernement fédéral ne prenne des mesures spécifiques pour répondre à cette préoccupation, le 29 juin 2021, le projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale) présenté par un député, a reçu la sanction royale. Cette loi tentait de résoudre ce problème de longue date en cherchant à appliquer un traitement fiscal uniforme, que le propriétaire choisisse de vendre son entreprise ou sa société familiale agricole ou de pêche à un tiers sans lien de dépendance ou à des membres de sa propre famille.
Plus précisément, le projet de loi C-208 cherchait à limiter l’application de la règle anti-évitement susmentionnée dans le cas de certains transferts intergénérationnels d’actions, afin de corriger l’injustice perçue par rapport à la loi antérieure. Dans sa version édictée, la loi révisée actuellement en vigueur exclut les contribuables de cette règle anti-évitement (et permettra le traitement des gains en capital) dans les cas suivants :
• les actions transférées sont des actions admissibles de petites entreprises ou des actions d’une société familiale agricole ou de pêche;
• la société acheteuse est contrôlée par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants (âgés de 18 ans ou plus) du contribuable (vendeur);
• la société acheteuse ne cède pas les actions transférées dans les 60 mois suivant l’achat.
De plus, la loi actuelle exige que le contribuable fournisse une évaluation indépendante de la juste valeur marchande des actions en question et un affidavit signé par le contribuable et par un tiers attestant de la vente des actions.2
Le projet de loi C-208 a également modifié la législation fiscale antérieure afin de faciliter certaines autres restructurations d’entreprise impliquant des entreprises familiales, en permettant aux frères et sœurs de diviser les actifs d’une société à l’abri de l’impôt (d’une manière plus simple qu’une opération papillon complexe), à condition que les actions des sociétés concernées soient des actions de QSBC ou des actions d’une société familiale d’exploitation agricole ou de pêche.
Cependant, depuis la présentation du projet de loi C-208, de nombreux fiscalistes ont soulevé des préoccupations quant au fait que la loi ne s’intègre pas adéquatement aux dispositions actuelles de la Loi de l’impôt sur le revenu, ce qui crée de nombreuses incertitudes quant à la façon dont les nouvelles règles seront appliquées; et ne fournit que des mesures de protection limitées contre l’évitement fiscal abusif qui pourrait produire des résultats inattendus.
De plus, le ministère des Finances a exprimé des préoccupations à l’égard de ce projet de loi lors de son passage à l’Assemblée législative. À cette fin, dans un communiqué de presse publié peu après l’adoption du projet de loi C-208, le gouvernement a précisé qu’il allait présenter des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu qui respectent l’esprit du projet de loi C-208 et qui protègent contre les échappatoires fiscales imprévues que le projet de loi C-208 aurait rendues possibles, comme le « dépouillement de surplus », une pratique qui consiste à convertir des dividendes en gains en capital afin de profiter d’un taux d’imposition plus faible, sans qu’il y ait transfert authentique de l’entreprise visée. Par la suite, dans son budget fédéral 2022, le gouvernement a annoncé un processus de consultation (qui a pris fin le 17 juin 2022) permettant aux parties prenantes de faire part de leurs points de vue sur la façon dont les règles existantes pourraient être renforcées pour protéger l’intégrité du système fiscal, tout en continuant de faciliter les véritables transferts intergénérationnels d’entreprise. À la suite de cette consultation, dans le budget fédéral du 28 mars 2023, le gouvernement a proposé des modifications au projet de loi C-208 adopté pour s’assurer que ces dispositions s’appliquent uniquement aux « véritables » transferts intergénérationnels d’entreprise.
Propositions dans le cadre du budget fédéral de 2023
Plus précisément, comme il est indiqué dans le budget fédéral de 2023, le gouvernement s’est dit préoccupé par le fait que la loi actuelle adoptée en vertu du projet de loi C-208 n’exige pas que :
- le parent cesse de contrôler les activités sous-jacentes de la société dont les actions sont transférées;
- l’enfant participe à l’entreprise;
- la participation dans la société acheteuse détenue par l’enfant continue d’avoir de la valeur;
- l’enfant conserve une participation dans l’entreprise après le transfert.
Par conséquent, le budget fédéral de 2023 propose qu’un « véritable » transfert intergénérationnel d’actions constitue un transfert d’actions d’une société (la société transférée) par un particulier (le cédant) à une autre société (la société acheteuse) lorsqu’un certain nombre de conditions précises sont satisfaites.
Les conditions actuelles suivantes seraient maintenues dans la loi édictée dans le cadre du projet de loi C-208 :
- chaque action de la société transférée doit être une « action admissible d’une petite entreprise » ou une « part du capital-actions d’une société par actions agricole (ou de pêche) familiale » (au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu) au moment du transfert;
- la société acheteuse doit être contrôlée par une ou plusieurs personnes qui sont toutes des enfants adultes du cédant (le terme « enfant » à ces fins comprend les petits-enfants, les beaux-enfants, les nièces et les neveux, les petites-nièces et les petits-neveux).
Pour veiller à ce que seuls les véritables transferts intergénérationnels d’actions soient exclus de l’application des règles anti-évitement ci-dessus, des conditions supplémentaires sont proposées. Afin d’offrir de la souplesse, le budget fédéral de 2023 a proposé que les contribuables qui souhaitent effectuer un véritable transfert intergénérationnel d’actions puissent choisir l’une des deux options de transfert suivantes :
- un transfert intergénérationnel immédiat d’entreprise (test de trois ans) fondé sur des modalités de vente sans lien de dépendance;
- un transfert intergénérationnel progressif d’entreprise (test de 5 à 10 ans) fondé sur les caractéristiques traditionnelles du gel successoral.
La règle de transfert immédiat offrirait une finalité plus tôt dans le processus, mais avec des conditions plus strictes, tandis que la règle de transfert progressif offrirait une souplesse supplémentaire. Le budget fédéral de 2023 décrit en détail les conditions proposées pour chacune des deux méthodes de transition, qui visent toutes deux à refléter les caractéristiques d’un véritable transfert intergénérationnel d’entreprise.
Le budget propose aussi les conditions suivantes et décrit les différences entre chacune des deux méthodes :
- un transfert de contrôle de l’entreprise – détermine à quel moment un contrôle juridique et factuel doit être transféré aux membres de la famille;
- un transfert des intérêts économiques dans l’entreprise – calendrier requis pour le transfert des actions de croissance ordinaires et réduction de l’intérêt économique de la société mère dans l’entreprise;
- un transfert de la gestion de l’entreprise – par les parents à leurs enfants;
- l’enfant conserve le contrôle de l’entreprise – le temps requis pour que la prochaine génération de membres de la famille conserve le contrôle juridique de l’entreprise;
- l’enfant travaille au sein de l’entreprise – indique le temps requis pour qu’un enfant participe activement à l’entreprise après le transfert d’actions.
Le cédant et l’enfant (ou les enfants) devraient choisir conjointement le transfert pour être admissibles à un transfert intergénérationnel immédiat ou progressif. Reconnaissant que les actions de l’enfant (ou des enfants) pourraient faire en sorte que le parent ne respecte pas les conditions et que les impôts exigibles soient réévalués, l’enfant serait conjointement et solidairement responsable de tout impôt supplémentaire payable par le cédant, en raison de toute règle anti-évitement applicable, à l’égard d’un transfert qui ne respecte pas les conditions ci-dessus.
En outre, il est proposé de prolonger de trois ans les délais de prescription pour réévaluer l’assujettissement à l’impôt d’un cédant qui pourrait découler du transfert, et de 10 ans pour un transfert progressif, afin de permettre à l’Agence du revenu du Canada (ARC) de surveiller la conformité aux conditions proposées pour les véritables transferts d’entreprise.
Enfin, le budget fédéral de 2023 propose également de fournir une réserve pour gains en capital sur dix ans pour les véritables transferts intergénérationnel qui satisfont aux conditions ci-dessus. Toutes les mesures proposées s’appliqueraient aux transactions effectuées à compter du 1er janvier 2024.
Demander conseil
En raison de ces développements récents, les propriétaires d’entreprises familiales – en particulier ceux qui envisagent un transfert intergénérationnel dans un avenir proche – devraient prendre des mesures pour mieux comprendre les récentes propositions du budget fédéral de 2023, qui visent à limiter l’application de la loi fiscale actuelle aux « véritables transferts intergénérationnels d’actions » survenant après 2023. Plus précisément, les propriétaires d’entreprises familiales devraient consulter leurs conseillers fiscaux pour obtenir des conseils quant à leur situation particulière et déterminer quelles mesures prendre, le cas échéant, avant le 1er janvier 2024, date d’entrée en vigueur proposée de ces importants changements à la loi sur l’impôt sur le revenu, qui toucheront les entreprises familiales.
1 Pour en savoir plus, demandez à votre professionnel en services financiers de BMO un exemplaire de nos publications Planification fiscale des propriétaires de petites entreprises et Planification fiscale pour la ferme familiale.
2 Le lien suivant mène aux renseignements sur le rapport d’évaluation et l’affidavit requis fournis par l’Agence du revenu du Canada (ARC) : Affidavits et évaluations relatifs au transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale (projet de loi C-208) https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/particuliers/sujets/tout-votre-declaration-revenus/declaration-revenus/remplir-declaration-revenus/revenu-personnel/ligne-12700-gains-capital/quoi-neuf-sujet-gains-capital/affidavits-evaluations-relatifs-transfert-petite-entreprise-une-societe-agricole-peche-familiale-projet-loi-c-208.html
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